La grande hypocrisie des moteurs Diesel

 Et si le scandale Volkswagen n'était que la pointe de l'iceberg ? Plusieurs sources d'informations suggèrent que le procédé de triche utilisé par le constructeur allemand est très répandu, et de longue date.

Parti des États-Unis, le scandale Volkswagen a déclenché une réaction en chaîne en Europe. Il pourrait même représenter pour l’économie allemande « un risque plus grand que la crise de la dette grecque », selon un analyste cité par Reuters. Le ministre allemand des transports, Alexander Dobrindt, a déclaré que la fraude, qui a concerné 482 000 véhicules aux États-Unis, avait aussi affecté les pays européens, sans préciser à quelle échelle. D'après nos informations, il est très plausible que le même procédé ait été largement utilisé en Europe, et sans doute par d'autres constructeurs.

Volkswagen a admis avoir équipé onze millions de voitures d’un logiciel capable de tromper les tests d’émissions polluantes. La très grande majorité de ces véhicules ont été commercialisés en Europe, où le marché du diesel représente plus de la moitié des voitures vendues. En Espagne, Seat, l’une des filiales du groupe Volkswagen, aurait installé un logiciel trompeur dans 500 000 voitures, selon El Pais. Mais des modèles des marques Audi et Skoda utilisent le même moteur et pourraient aussi être concernés par la tricherie, d’après L’Argus.


L’Espagne, l’Italie, la France ont lancé des investigations et l’Union européenne a appelé tous les États membres à enquêter. Au Royaume-Uni, le Département des transports (équivalent d’un secrétariat d’État) a entrepris de contrôler les émissions de voitures diesel de différentes marques, afin de « vérifier que le problème est limité à Volkswagen et ne concerne pas toute l’industrie » automobile, selon le secrétaire au transport, Patrick McLoughlin. En Allemagne aussi, des tests seront effectués sur des voitures d'autres marques que Volkswagen. Un autre constructeur allemand, BMW, a été mis en cause par le magazine Auto Bild, mais nie toute manipulation. Plusieurs sources d’informations suggèrent cependant que le scandale pourrait ne pas se limiter au cas de Volkswagen.

Pour ne rien arranger, le quotidien britannique The Guardian a révélé le 24 septembre que les gouvernements allemand, britannique et français avaient fait du lobbying auprès de la Commission européenne pour rendre moins sévère la procédure de contrôle des émissions des voitures, qui doit être modifiée en 2017. Dans ce contexte, la hâte des gouvernements à faire aujourd’hui toute la lumière sur le scandale apparaît quelque peu de circonstance. Au demeurant, les Verts allemands dénoncent l’« hypocrisie » d’Alexander Dobrindt, le ministre des transports. Oliver Krischer, député des Grünen, estime que « le gouvernement est depuis des années au courant des manipulations des firmes automobiles » et que « le scandale actuel est le résultat d’une politique qui fait fi de la protection de l’environnement et des consommateurs ». Contacté par Mediapart, le bureau de Krischer précise : « Le problème est connu de nous et de la plupart des experts depuis des années, mais le gouvernement n’a rien fait contre ; nous pensons que d’autres constructeurs [que Volkswagen] utilisent des stratégies similaires, mais aucun nom n’a été mentionné. »

Alexander Dobrindt récuse les attaques des Verts. Mais plusieurs sources confirment que la pratique reprochée à Volkswagen par l’EPA, l’Agence de protection de l’environnement américaine, n’est pas un cas isolé. Le 10 septembre, avant que le scandale n’éclate aux États-Unis, l’ONG Transport & Environment (T&E) a publié un rapport sur la pollution automobile dont le message tient dans le titre : Don’t Breathe Here, « Ne respirez pas ici ». Selon ce rapport, les modèles récents de voitures diesel émettent cinq fois plus de particules et de gaz polluants que la limite autorisée par la nouvelle norme, dite Euro 6, entrée en vigueur début septembre. Sur 23 voitures testées, seules trois sont apparues conformes à la norme, et un modèle Audi a produit 22 fois plus d’émissions que la limite.

Selon T&E, tous les constructeurs vendent des voitures diesel qui ne respectent pas la limite européenne. Pourtant, elles réussissent à passer les tests d’homologation. Le rapport de T&E met en cause une procédure trop laxiste et détaille les procédés qui permettent aux fabricants de faire homologuer des véhicules dont les émissions ne sont pas conformes dans des conditions de conduite réalistes. Le rapport énumère une série d’astuces mécaniques telles que surgonfler les pneus, déconnecter les freins, alléger la voiture au maximum, charger la batterie à bloc, etc.
Infographie de T&E montrant l'écart entre les émissions réelles et la norme pour six marques européennes
 
T&E décrit aussi un procédé de triche qui est exactement celui reproché par l’EPA à Volkswagen, dans lequel « le système de contrôle du moteur détecte que le véhicule est en train d’être testé dans une procédure d’homologation et bascule dans un régime spécialement conçu pour satisfaire à la norme ». Le rapport de T&E souligne que ce procédé est facile à appliquer aux voitures actuelles qui sont truffées de systèmes de contrôle électronique, de sorte que le calculateur peut détecter que le capot est ouvert ou que les roues arrière sont immobiles. Et de conclure : « Aucun constructeur n’a été poursuivi dans l’Union européenne pour des pratiques de “cycle beating” (usage d’un procédé permettant de déjouer les contrôles), mais des preuves anecdotiques suggèrent que ces pratiques sont répandues. »

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