La faute à Obama ?

par Serge Halimi, juillet 2014 monde-diplomatique.fr

Etait-il imprévoyant, cet élu de l’Illinois qui estimait dès octobre 2002 qu’une invasion de l’Irak ne ferait qu’« attiser les flammes au Proche-Orient, encourager dans le monde arabe les pires impulsions et renforcer le bras recruteur d’Al-Qaida » ? Fut-il plus visionnaire que lui, le vice-président des Etats-Unis qui promit alors que les armées américaines seraient « accueillies en libératrices » ? C’est pourtant le second, M. Richard (« Dick ») Cheney, qui accuse aujourd’hui le premier, M. Barack Obama, d’avoir agi en Irak comme un traître doublé d’un benêt. Et qui conclut avec un culot singulier : « Rarement un président des Etats-Unis se sera autant trompé à propos d’autant de choses au détriment d’autant de gens (1). »


M. Obama exclut pour le moment l’envoi de bataillons américains contre les forces djihadistes qui contrôlent une partie de l’Irak (lire notre dossier « Etats fantômes au Proche-Orient »). Mais il a accepté de dépêcher trois cents « conseillers militaires » auprès du régime de Bagdad, tout en faisant savoir que le premier ministre Nouri Al-Maliki devait être remplacé. Il y a près de soixante ans, les Etats-Unis avaient déjà fourni des « conseillers militaires » à un régime autocratique et corrompu : celui, vietnamien, de Ngo Dinh Diem. Un jour, excédés par l’ingratitude de leur protégé, ils le laissèrent (ou le firent) tuer. La suite explique peut-être la réticence du peuple américain à emboîter cette fois le pas aux va-t-en-guerre : l’escalade militaire, l’embrasement de toute l’Indochine, plusieurs millions de morts.
Le bilan de l’intervention des puissances occidentales est également catastrophique pour les peuples du monde arabe. Pingres quand elles pourraient contribuer au développement économique et social de la Tunisie ou de l’Egypte en renonçant par exemple à leurs créances, elles ne regardent plus à la dépense sitôt qu’il leur faut détruire l’ennemi du jour en invoquant contre lui les grands principes humanitaires. Ceux-là mêmes qu’elles n’appliquent jamais à leurs protégés régionaux : ni à Israël, ni au Qatar, ni à l’Arabie saoudite (2).
Le 13 juin, le président Obama a imputé au pays dévasté par les Etats-Unis la responsabilité de la tragédie qu’il vit : « Au cours de la décennie écoulée, les troupes américaines ont consenti de grands sacrifices pour donner aux Irakiens une chance de construire leur propre avenir. » En travestissant ainsi l’histoire, il a encouragé les néoconservateurs, pour qui chaque désengagement de Washington précipite le déclin américain et le chaos universel.
La guerre d’Irak était « gagnée » avant que l’actuel président n’entre à la Maison Blanche, répète désormais le sénateur républicain John McCain. Selon lui, toute crise internationale se résout par l’envoi de marines. Le 15 mars dernier, il a donc réclamé des troupes américaines pour l’Ukraine. Et, le 13 mai, une intervention militaire au Nigeria. En 2002, M. Obama ne voulait pas « attiser les flammes au Proche-Orient ». Saura-t-il se montrer aussi perspicace dans les mois qui viennent ?
Serge Halimi

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