Punit-on un Chef d’Etat… ou accable-t-on un peuple?
Depuis la nuit des temps les expéditions punitives contre
des Chefs d’Etat coupables, voire même criminels, ont bien rarement atteint leur
cible théorique, mais toujours ajouté de grands malheurs aux souffrances déjà
endurées par les peuples situés sous l’autorité ou à proximité des Chefs d’Etat
que l’on prétendait punir.
Pour en rester à une période récente, qui souffrit le plus
des deux guerres du Golfe, de l’intervention contre la Serbie en raison du
Kosovo, de la guerre d’Afghanistan … ?
Lorsque je lis et j’entends « qu’il faut punir Bachar EL
ASSAD », je me recroqueville comme un escargot dans sa coquille tellement j’ai
la certitude d’être manipulé.
Certes ce que l’on sait de ce qui se passe en Syrie fait
horreur, avec ce plus qu’un millier de civils innocents, hommes, femmes,
enfants, jeunes et vieux confondus, massacrés au gaz sarin … ce qui correspond
à une mort atroce sous l’effet d’un étouffement par la paralysie du système
respiratoire.
Mais bombarder de façon « chirurgicale » des bunkers où
seraient sensés se réfugier les dirigeants de Damas, alors que, bien sûr, ils
seront ailleurs … est-ce vraiment « punir » Bachar EL ASSAD, ou est-ce
accroître les malheurs des Syriens et prendre le risque d’embraser tout le
Proche-Orient ?
Le Proche-Orient est fréquemment qualifié de « poudrière ».
A qui viendrait-il l’idée de se promener au milieu d’une poudrière avec un
lance-flamme allumé ?
« Punir Bachar EL ASSAD » … admettons, mais que va-t-il se
passer chez tous les voisins de la Syrie qui sont déjà tellement impactés par
ce qui se passe dans ce pays ? Quand je pense à mes amis du Liban avec lequel
je suis quotidiennement en contact, quand je pense à Israël et plus
particulièrement à la frêle et délicieuse Anita qui, il y a quarante cinq ans,
était dans son char durant la « guerre des six jours », quand je pense aux
Jordaniens, aux Palestiniens, aux Egyptiens qui ont déjà tellement de mal à
sortir d’une lutte interne impitoyable … je ne peux croire que le meilleur
moyen d’arrêter la folie meurtrière en Syrie soit la voie militaire.
Pour de multiples raisons familiales très anciennes et par
convictions personnelles, je ne crois pas à la résolution des conflits par la
guerre.
Nous disposons aussi d’armes diplomatiques et économiques.
Mais sommes-nous prêts à faire pression sur Moscou en n’achetant plus son gaz
si Moscou continue de fournir des armes au régime de Damas ? Sommes-nous prêts
à stopper brutalement nos importations de produits chinois si Pékin n’agit pas
à nos côtés pour conduire Bachar EL ASSAD vers la sortie et aider un nouveau
régime à se mettre en place avec des garanties fortes de respect des diverses
composantes de la population syrienne ?
Hélas la réponse à ces interrogations est connue et les
seuls qui peuvent se réjouir sincèrement sont les marchands d’armes. Au fait,
dans le monde où sont situées les usines qui fabriquent du gaz sarin ?
Décidément je ne pourrai pas approuver l’action militaire
qui apparaît, pourtant, susceptible de bénéficier d’un large soutien international
et populaire.
Jean-Paul Bourgès 29 août 2013 http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-bourges
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