DANONE se fait taper sur les doigts en Turquie en décourageant l'allaitement maternel


DANONE : pratiques de promotions déguisées du lait maternel en Turquie, contre les recommandations Internationales

Une enquête de Melanie Newman (Bureau of Investigative Journalism). Traduction Gabrielle Blanchout.
Mai 2011. Quelques heures après la naissance de leur premier enfant, une petite fille prénommée Azade, Sezai et Hilal Ozan Zeybek reçoivent leur premier SMS de Bebelac, une marque de lait infantile appartenant au groupe Danone en Turquie. « Pendant quelques semaines, ils nous ont envoyés des messages utiles, sans aucune référence au lait infantile. Ils soulignaient l’importance de l’allaitement maternel. Puis, subtilement, les messages ont changé », raconte le jeune papa.


« Ils ont commencé à nous mettre en garde contre les risques de malnutrition. On nous a dit : “ Si vous pensez que votre bébé n’est pas assez nourri, appelez notre hotline.” » Des mises en garde qui ont continué au fur et à mesure que la petite fille du jeune couple grandissait. « Nous avons été informé qu’après six mois, le bébé aurait besoin de 500ml de lait. Si la mère ne pouvait fournir cette quantité, on nous conseillait d’utiliser des compléments. Nous n’avons jamais appelé la hotline, mais les messages ont continué d’arriver. Et de nous déstabiliser », affirme Sezai Zeybek.
Sezai et Hilal sont l’un des couples destinataires d’une campagne marketing massive et réussie en Turquie de la multinationale agroalimentaire Danone, propriétaire des marques de lait infantile Milupa, Aptamil et Bebelac. Cette campagne a conduit à une forte hausse des ventes de lait infantile de Danone en Turquie, mais elle a sans doute poussé de nombreuses mères qui allaitaient leurs enfants à leur donner du lait en poudre sans raison. Car cette campagne repose sur des informations approximatives et déformées. Selon le docteur Colin Michie, directeur du Collège Royal de Pédiatrie et de Santé de l’Enfant (Grande-Bretagne), « la campagne publicitaire de Danone est trompeuse. Les mères qui suivent les conseils de l’entreprise sont susceptibles de passer au lait en poudre alors que ce n’est absolument pas nécessaire ».
Danone a affirmé dans des publicitésarticles,interviews et lors d’ateliers pratiques à destination des mères que le volume de 500ml est une recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui soutient sa campagne. Dans sa documentation à l’intention des professionnels de santé, le groupe utilise le logo de l’OMS. En réalité, ce volume de 500ml n’a jamais constitué une recommandation de l’OMS et la campagne va à l’opposé de la politique de l’Organisation en matière de nutrition infantile.
Les conseils de l’OMS et de l’UNICEF, corroborés par la plupart des experts internationaux, vont dans le sens d’un allaitement maternel exclusif les six premiers mois de vie. Après cela, il est recommandé d’introduire progressivement d’autres aliments, tout en continuant d’allaiter son enfant à la demande. « L’OMS ne donne aucune recommandation en termes de volume de lait maternel », explique le Dr Joao Breda, responsable du programme de nutrition de l’Organisation.
Ces deux organisations démentent catégoriquement appuyer l’initiative de Danone. L’OMS a indiqué au Bureau of Investigative Journalism (BIJ) avoir écrit cette semaine à Danone, pour demander la suppression de « toute référence à l’OMS qui puisse sous-entendre que l’OMS soutien cette campagne ». Elle indique également que leur logo a été utilisé sans autorisation. Danone s’est également targué dans un blog du soutien de l’UNICEF à sa campagne, alors qu’en mars dernier l’UNICEF écrivait à Numil pour souligner que « la branche turque de l’UNICEF… qui a une fonction représentative en Turquie, n’appuie pas cette campagne. »
Même sans ces affirmations erronées, une campagne à destination des mères allaitantes qui questionnerait la qualité ou la quantité de leur lait serait controversée. Les experts s’accordent sur le fait que les bénéfices en termes de santé du lait maternel sont bien supérieurs à ceux de tous les substituts. De nombreuses études internationales ont démontré que la raison la plus fréquemment évoquée par les mères pour arrêter l’allaitement maternel est la peur que leur lait ne suffise pas à couvrir les besoins de leurs bébés.
Après le scandale du lait infantile qui avait conduit au boycott de Nestlé dans les années 80, l’OMS a mis en place le Code international de commercialisation des subsituts de lait maternelqui vise à bannir toute forme de publicité pour les produits de substitution du lait maternel. L’une des critiques, déjà émise il y a plus de 30 ans, est qu’une part importante des campagnes de publicité de l’entreprise clament que « quand le lait de maman n’est pas suffisant, nos produits aident à combler la différence ».

Une caution scientifique douteuse

L’histoire de cette campagne marketing menée par Danone commence en 2009, au sein de Numil, sa branche nutrition pour la Turquie. Avec une population de plus de 73 millions d’habitants, un taux de natalité relativement élevé et des salaires en augmentation, le potentiel d’expansion du marché de la nutrition infantile en Turquie est énorme. Mais la plupart des mères, comme Hilal Ozan Zaybek, n’achètent pas de lait en poudre.
Le pourcentage des mères allaitantes en Turquie est plus élevé qu’en France ou en Grande-Bretagne. En moyenne, elles allaitent également plus longtemps. Mais les mères turques ont aussi pour habitude d’introduire du lait de vache et des aliments solides avant l’âge, recommandé par l’OMS, de six mois. C’est ce problème de santé publique qui sous-tend ce que Danone décrit comme son « programme d’éducation sur le lait maternel ».
Tout a commencé à l’initiative du directeur marketing Jan Van Twillert, qui s’appuyait sur ce problème connu et documenté de longue date et sur des demandes émanant des consommateurs. Si l’on en croit un blog de Danone, les mères se rendaient compte vers six mois qu’« il manquait quelque chose à leur enfant [et donc]utilisaient les fruits et légumes comme substituts, au lieu d’augmenter sa dose de lait ». C’est sur la base de cette “ demande ” des consommateurs que Danone a lancé sa “ campagne de santé publique”.
Mais d’abord, Numil a enrôlé 577 pédiatres pour évaluer les volumes de lait maternel produits par les mères d’enfants de six mois. Les docteurs ont soit utilisé des tire-laits – une méthode considérée comme peu fiable par les autorités pédiatriques, notamment le Collège Royal de Pédiatrie et de Santé de l’Enfant (Grande-Bretagne) – soit pesé les bébés avant et après la tétée. Leurs résultats, jamais publiés ni soumis à évaluation par leurs pairs, ont quantifié le lait produit par les mères à 290ml par jour, en moyenne.
Le blog indique que Numil a travaillé en concertation avec l’OMS pour obtenir un volume de lait maternel recommandé de 500ml. En réalité, ce chiffre a été déduit d’une publication de l’OMS qui tente de quantifier les besoins alimentaires des bébés en plus du lait maternel. Cette publication citait un article scientifique utilisant une moyenne de calories obtenues par le lait maternel pour calculer des besoins en aliments complémentaires. Danone a ensuite utilisé ces moyennes pour le lait maternel en tant que recommandations et les a convertis en millilitres. (Lire sous l'onglet Prolonger.)
S’en est suivi une campagne de sensibilisation à destination des professionnels de santé et des parents, indiquant que les enfants de plus de six mois ont besoin de 500ml de lait maternel. Cette campagne s’appuyait sur le slogan « Her Gun Yarim Litre » (« Un demi-litre par jour »). « Ce n’est pas une campagne marketing propre à Danone », explique la multinationale, « mais une campagne réalisée en collaboration avec l’Association turque de pédiatrie, fondée sur les recommandations de l’OMS ».
Cependant, la plupart des supports de la campagne à destination du public recommandent l’utilisation de lait en poudre si la production de lait de la mère n’est pas suffisante pour atteindre les 500ml. Un spot TV explique ainsi que « votre bébé a besoin d’au moins 500ml de lait maternel chaque jour. Si votre lait n’est pas suffisant, donnez lui Aptamil pour renforcer son système immunitaire. » Pour illustrer la campagne, Danone utilise l’image d’un pichet de 500ml ou d’un biberon de lait placé au milieu d’un bouclier orange – le même bouclier orange qui apparait sur les boites d’Aptamil. Certains supports montrent un bébé tenant et buvant un biberon de lait. Le site de Danone contient également, sous le slogan « Her Gun Yarim Litre », des témoignages de mères satisfaites après avoir donné Aptamil à leurs bébés à partir de l’âge de quatre mois car leur lait maternel n’était pas suffisant.
L’UNICEF suggère plusieurs moyens pour les mères d’accroitre leur production de lait si celui-ci leur semble insuffisant et prévient que le recours au biberon peut entrainer une diminution de la production de lait maternel.
La campagne de Danone incluait un test en-ligne prétendant permettre aux mères de vérifier si elles produisaient bien leurs 500ml. Initialement intitulé « Sutum Yeterli Mi ? » (« Est-ce que mon lait est suffisant ? »), il a ensuite été renommé « Bebegimi Dogru Besliyor Muyum » (« Est-ce que je nourris correctement mon enfant ? »). L’une des pages Facebook officielle de l’entreprise proposait des réductions sur des boites d’Aptamil ou des biberons gratuits si les mamans se soumettaient au test.

26% de croissance... pour la branche de Danone

Numil indique que dans les premiers temps de la campagne plus de 19 000 mères ont répondu, parmi lesquelles 71% ont été testées comme produisant moins de 500ml. Le site conseille à ces mères d’utiliser du lait infantile en poudre. Or, la plupart des experts, s’accordent sur le fait qu’il est extrêmement difficile de mesurer les quantités obtenues par un enfant au sein. « Il n’y a pas, à notre connaissance, de test validé scientifiquement qui permette d’évaluer en ligne le volume de lait maternel », indique le professeur Mary Renfrew, experte en santé des mères et de leurs enfants à l’Université de Dundee et membre du conseil d’administration de la branche anglaise de l’UNICEF. Elle ajoute que «la composition du lait maternel varie en fonction de l’âge et du stade de développement de l’enfant, ainsi qu’au cours de la journée. De ce fait, 50ml de lait à un moment de la journée auront une composition très différente de 50ml du lait de la même mère à un autre moment. Se baser sur un volume fixe n’a donc pas de sens. C’est aussi très difficile à mesurer de manière exacte. »
Plusieurs experts ont exprimé leur inquiétude au sujet de la campagne de Danone. « Elle incite les mères à douter du fait que leur lait soit suffisant », affirme le Dr Gonca Yilmaz, directrice de l’unité de soins pédiatriques à l’hôpital universitaire Dr Sami Ulus d’Ankara, l’une des plus importante du pays.
Deuxième versant de sa campagne marketing, le groupe organise des ateliers gratuits sur le thème de la nutrition infantile, dans les supermarchés et magasins spécialisés. Une journaliste du Bureau of investigative journalism a participé à l’un de ces ateliers, le 12 mai 2013, au magasin Baby World d’Istanbul. Lors de cet atelier, un nutritionniste travaillant pour Danone a recommandé le lait en poudre pour les enfants ne recevant pas assez de lait maternel. Un fait que les parents étaient invités à vérifier en remplissant le questionnaire en ligne. Des échantillons gratuits d’Aptamil étaient distribués. Le nutritionniste a aussi fait référence à l’OMS : « Nous organisons des conférences en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé tout au long de l’année. Ils nous disent que si un bébé est âgé de 0 à 6 mois, vous devez lui donner au moins 750 ml de lait maternel ou en poudre par jour. Si le bébé a entre 6 et 36 mois, c’est un demi-litre au sein ou au biberon. » ....(extrait) Source 

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