ÉTATS-UNIS • Snowden, Manning : pourquoi sont-ils devenus des lanceurs d'alerte ?

Le point commun entre Edward Snowden, Bradley Manning ou Julian Assange ? Un goût immodéré pour les nouvelles technologies, un refus de l'autorité et la défense d'un credo libertaire.

 
Le scandale des fuites d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains, vu par Olle Johansson  

Le scandale des fuites d'Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains, vu par Olle Johansson
Pour illustrer le portrait qu'il a consacré à Edward Snowden [le lanceur d'alerte à l'origine de la fuite sur le programme de surveillance de la NSA], le quotidien britannique The Guardian a publié une photo du consultant avec son ordinateur portable.

Sur l’appareil, des autocollants de l’Electronic Frontier Foundation [EFF], un groupe de défense des libertés numériques, et de Tor, un logiciel qui permet aux internautes de surfer anonymement.

On voit beaucoup d’ordinateurs ornés d’autocollants EFF et Tor lors des conférences sur les nouvelles technologies, et leurs propriétaires ont souvent de nombreux points communs : maîtrise des technologies, refus de l’autorité et tendance à contester les conventions sociales. Et comme Edward Snowden, qui a arrêté ses études alors qu’il était au lycée, ils ont souvent un parcours atypique.

A ce portrait-robot correspondent, de fait, Bradley Manning, le jeune militaire accusé d’avoir transmis des documents secrets à WikiLeaks, et le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange. Et cela n’est probablement pas un hasard.

Anticonformisme. Selon Paul Graham, investisseur dans la Silicon Valley, les traits de caractère qui font d’un individu quelqu’un de doué pour la programmation sont aussi ceux qui le poussent à défier les représentants de l’autorité et les conventions sociales. Ces programmeurs – qui préfèrent souvent se présenter comme des hackers – sont maîtres dans l’art d’examiner des systèmes complexes pour trouver comment améliorer leur fonctionnement. A leurs yeux, la société n’est souvent qu’un système complexe comme les autres, nécessitant des améliorations, et cela les conduit parfois à tirer des conclusions aux antipodes de la sagesse populaire.

C’est le cas de Jason Trigg, un programmeur de Wall Street parvenu à la conclusion que la morale lui imposait de faire don de la moitié de son salaire à des œuvres caritatives.

C’est aussi le cas de Richard Stallman. Dans les années 1980, ce programmeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT), est arrivé à la conclusion qu’il était immoral d’utiliser et de distribuer des logiciels propriétaires. De son idée est né le grand mouvement en faveur des logiciels libres, très actif aujourd’hui, trente ans plus tard.

Informaticien, entrepreneur et militant, Aaron Swartz, lui, est arrivé à la conclusion qu’il était immoral d’enfermer le savoir dans des bases de données uniquement accessibles aux universités les mieux financées. Il a été mis en examen pour piratage, après avoir téléchargé et mis à disposition des milliers de publications universitaires. Encourant plus de trente ans de prison, le jeune homme a mis fin à ses jours en janvier dernier.

Bradley Manning et Edward Snowden sont tous deux arrivés à la conclusion qu’une obligation morale les obligeait à rendre publics des documents révélant les méfaits de leur gouvernement. Julian Assange, quant à lui, est arrivé à la conclusion qu’il devait aider Manning à les diffuser dans le monde entier.

Naturellement, la curiosité des hackers et leur tendance à l’anticonformisme peuvent se heurter aux représentants de l’autorité, qu’ils surnomment par dérision les “suits” [les hommes en costume-cravate]. Ils ont souvent l’image de francs-tireurs qui prennent facilement la mouche ; ils n’observent pas toujours ces usages censés mettre de l’huile dans les rouages de la vie de bureau. Mais, si ces tendances subversives donnent des aigreurs aux patrons, les entreprises peuvent difficilement se passer d’eux : leur curiosité intellectuelle et leur créativité face aux casse-têtes techniques les rendent tout bonnement indispensables.

Fervents libertaires. Les hackers sont généralement d’ardents défenseurs des libertés civiles. Depuis les révélations sur la NSA, début juin, le site Hackers News ne parle plus que de ça, et ses utilisateurs affichent un soutien écrasant en faveur d’Edward Snowden. “Une société dans laquelle les individus peuvent faire et dire ce que bon leur semble est aussi une société dans laquelle s’imposent les solutions les plus efficaces, et non celles prônées par les personnalités les plus influentes”, insiste Paul Graham. En d’autres termes, si les hackers sont de fervents libertaires, c’est parce qu’ils sont sensibles aux problèmes qui surgissent quand leurs ennemis jurés, les “costumes-cravates”, prennent trop de pouvoir.

Pour mieux comprendre pourquoi tant de hackers décident de révéler des informations secrètes ou, à tout le moins, soutiennent avec ferveur ceux qui le font, j’ai décidé d’appeler Jacob Appelbaum, développeur sur le projet Tor (il tient toutefois à préciser que ses propos n’engagent que lui) et défenseur de longue date de WikiLeaks.

Ma thèse ne le convainc pas. “C’est une question d’audace, l’enjeu n’est pas d’apprendre à se servir de Linux, lâche-t-il. Le courage, les enjeux moraux et éthiques, tout cela est bien plus important que les technologies.” “Toute personne à la moralité très poussée aura du mal à se contenter d’obéir aux ordres, estime Jacob Appelbaum. L’Histoire le montre : se contenter d’obéir n’est pas la bonne chose à faire. C’est là qu’est l’enjeu, avant tout.”

La thèse de Jacob Appelbaum et la mienne ne sont cependant pas incompatibles. Richard Stallman, Aaron Swartz et Jason Trigg ont tous fait la preuve de leur courage, chacun à sa façon, dans leur défense acharnée de leurs idéaux. Ils ont fait ce qu’ils estimaient juste, sans se soucier du qu’en-dira-t-on. Si des hommes de leur caractère sont prêts à tout risquer pour imposer un peu plus de transparence dans le domaine de la sécurité nationale, ce n’est donc probablement pas une coïncidence.

Timothy B. Lee
Publié le 11 juin
Source http://www.huffingtonpost.fr

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