Le petit Prince, d'Antoine de Saint-Exupéry fête ses 70 ans...

... qui sait qu'il fut dédié à Léon Werth, un inconnu ?

Peut-être avez-vous lu Le petit prince de Saint-Exupéry... 

L’auteur dédie son livre à un de ses amis, Léon Werth, et plus précisément, puisque Le petit prince est un livre pour enfants :
 “A Léon Werth quand il était petit garçon”... 

Qui est ce célèbre inconnu, qui mérite que l'on s'attarde sur ses écrits, car comment le meilleur ami de St Ex pourrait-il être un homme ordinaire ?

New-York dans les années 40, le pilote exilé aux Etats-Unis, Antoine de Saint-Exupéry, planche sur une histoire de rencontres et d'amitié entre un jeune garçon et un renard. «Le Petit Prince» est né! 


Le roman est publié en 1943. L'écrivain ne se doutait pas alors que son conte philosophique allait se répandre comme une traînée de poudre dans le monde entier. Vendu à plus de 140 millions d'exemplaires et traduit en 270 langues, «Le Petit Prince» est le deuxième ouvrage le plus lu dans le monde après la Bible.
Le petit prince a été édité pour la première fois aux Etats-Unis, en 1943. Saint-Exupéry y était réfugié, avant de revenir combattre pour la libération de la France, et son ami Léon Werth vivait reclus dans une maison du Jura. Cet intellectuel français d’origine juive risquait d’être victime d’une rafle et déporté à tout moment. La dédicace prend donc une dimension singulière. Saint-Exupéry ne survit pas à la guerre, il est tué en août 1944. Il ne verra pas son Petit prince édité en France, en 1946. Léon Werth, lui, vit jusqu’en 1955, inconsolable de la disparition de son meilleur ami. Mais si la mémoire de Saint-Exupéry est restée vivante, celle de Léon Werth a été oubliée pendant des décennies. Pourtant, l’oeuvre et le parcours de ce journaliste écrivain méritent d’être connus.
Léon Werth est né en 1878 à Remiremont, dans les Vosges. Ses études l’amènent à Paris où il devient le secrétaire de l’écrivain Octave Mirbeau. Journaliste et critique artistique, Werth se fait connaître par ses livres sur des peintres comme Puvis de Chavannes et Cézanne, et son premier roman, La Maison blanche, est près de remporter de prix Goncourt. Il y narre son séjour en clinique, en 1911, pour soigner une otite aiguë contractée en Bretagne. Il brosse dans ce livre un tableau incisif du monde médical, et y décrit la relation du malade à sa maladie.

Léon Werth est né en 1878 à Remiremont, dans les Vosges. Ses études l’amènent à Paris où il devient le secrétaire de l’écrivain Octave Mirbeau. Journaliste et critique artistique, Werth se fait connaître par ses livres sur des peintres comme Puvis de Chavannes et Cézanne, et son premier roman, La Maison blanche, est près de remporter de prix Goncourt. Il y narre son séjour en clinique, en 1911, pour soigner une otite aiguë contractée en Bretagne. Il brosse dans ce livre un tableau incisif du monde médical, et y décrit la relation du malade à sa maladie.
Un antipatriote engagé volontaire
Proche des mouvements pacifistes d’avant-guerre, notamment de Gustave Hervé, antipatriote et antimilitariste, il s’engage néanmoins en août 1914 : “Tout homme qui s’échappe des circonstances est lâche”, écrira-t-il en 1930. Envoyé sur le front, il est réformé en août 1915 pour maladie. Il décrit sa vie de soldat dans Clavel soldat et Clavel chez les majors, deux “déclarations de guerre à la guerre”, écrit son biographe Gilles Heuré dans une biographie intitulée L’insoumis, publiée début 2006 chez Viviane Hamy. Ces deux livres sont salués par la critique, notamment par Henri Barbusse, mais racontent la guerre de l’intérieur, très loin des épopées lyriques et des discours officiels.

Durant les années 1920, Léon Werth publie beaucoup. Il est l’un des intellectuels de gauche en vue. Proche des communistes et des anarchistes, mais membre d’aucun parti, il suscite la méfiance. Quand ce journaliste veut partir en URSS en reportage, en 1923, les autorités soviétiques lui refusent l’entrée dans le pays. Il reste à la porte, en Pologne, malgré les chaudes recommandations de responsables communistes français. Dehors, M. le journaliste. Le regard de cet esprit libre aurait pu desservir la propagande.

Dénonciation du colonialisme
Trois ans plus tard le citoyen Werth se rend en Cochinchine, et en rapporte un témoignage critique de la colonisation : “Tout Français qui n’appartient pas à la race coloniale revient d’Indochine avec un sentiment de honte”, écrit-il dans son livre-reportage. Nous sommes en 1926. Aucun bilan positif de la colonisation, pour Léon Werth.

Il continue de publier reportages et romans, critiques cinématographiques et picturales, mais les années 1930 sont plus difficiles. Ses critiques du communisme et sa liberté de pensée, son ton souvent sarcastique, l’isolent d’une partie du monde littéraire. Certains de ses manuscrits sont refusés par des maisons d’édition : “Vous êtes un homme seul et votre pensée, par là-même, devient très difficile à définir. Je crains fort que le lecteur ne puisse vous suivre et qu’il ne trouve pas dans ce recueil ce qu’on appelle communément un message”, lui répond l’éditeur Denoël...

La rencontre avec Saint-Exupéry
C’est en 1935 que Léon Werth et Antoine de Saint-Exupéry font connaissance. Le second est de vingt-deux ans le cadet du premier, mais les deux hommes sympathisent et deviennent des amis intimes. Werth et sa femme vont rendre visite à Saint-Exupéry dans la caserne où il est mobilisé, à Saint-Dizier, en 1939. La défaite surprend Léon Werth à Paris. Il décide de quitter la capitale avant l’arrivée des Allemands, mais se trouve coincé sur les routes de la débâcle, avec son épouse et leur employée... Il met 33 jours à atteindre leur maison du Jura, voyage que Léon Werth raconte dans un témoignage publié sous ce titre, 33 jours (Ed. Viviane Hamy et Magnard pour les collégiens). Un voyage terrifiant et étonnant. Werth y montre la veulerie de certains Français qui accueillent les envahisseurs à bras ouverts. Comment les mêmes profitent de la débâcle mais comment d’autres, notamment des fermiers de la région de Montargis, secourent leurs prochains...

Arrivé dans le Jura, à Saint-Amour, Léon Werth est contraint d’y rester. La zone libre est plus sûre pour les personnes d’origine juive comme lui, même s’il doit, le 9 juillet 1941, aller se déclarer “juif” à la préfecture de Lons-le-Saunier : “Je me sens humilié, non pas d’être juif, mais d’être présumé, étant juif, d’une qualité inférieure”... Il reste jusqu’en janvier 1944 à Saint-Amour, reclus, bougeant peu, attendant les visites de son fils et de sa femme, retournée à Paris et qui traverse la ligne de démarcation clandestinement.
Un observateur au regard aiguisé
Dans son réduit jurassien, Werth se fait observateur du monde. Avec son regard aiguisé, caustique, mais également humain et tendre, il écrit son journal quotidien qui sera publié, après la guerre, sous le titre Déposition. Un témoignage incontournable sur l’état de l’opinion en France “libre” puis occupée. Les turpitudes de la vie quotidienne, les rumeurs du bourg de Saint-Amour, les propos des paysans, les émissions de radio Londres, radio Paris ou de la radio suisse. Il note l’impopularité de Laval et la popularité de Pétain. Celle de de Gaulle aussi, qui croît au fil du temps. Il lit la presse de la résistance et, dès 1943, mentionne l’existence d’Auschwitz, en Pologne.

“Victoires défensives”
Les mentalités évoluent en fonction des batailles. Léon Werth note les astuces de la propagande allemande. Après Stalingrad, les armées allemandes reculent partout en Europe de l’Est et en Afrique du Nord. Il ne s’agit pas de défaites, non, mais de “victoires défensives”, selon la propagande. Belles victoires défensives en vérité, jusqu’à la prise de Berlin par l’Armée rouge ! La propagande récente a su créer des métaphores tout aussi manipulatrices : “frappes chirurgicales”, “dommages collatéraux”...

L’immobilisme sied mal à Léon Werth  : “Mon pays n’est pas ici, écrit-il, mon pays, c’est la Bretagne”. Léon Werth aimait les voyages et, semble-t-il, appréciait particulièrement la Bretagne. De retour à Paris en janvier 1944, Werth livre un témoignage émouvant sur les derniers jours de l’occupation, d’autant plus émouvant que la nouvelle de la disparition de Saint-Exupéry lui parvient. Après la libération il assiste, en tant que journaliste, au procès du maréchal Pétain. Malgré les millions de morts, Léon Werth ne cède pas à la haine : aucune trace, dans ses ouvrages. De la colère, oui, pas de haine. Il reste profondément humain malgré ses coups de griffe. Jusqu’à sa fin, en 1955.

“Werth enseigne à vivre”, écrivait Saint-Exupéry sur l’oeuvre de son ami. Les livres de Léon Werth continuent “d’enseigner à vivre” au XXIe siècle.
Christian Le Meut
Les livres de Léon Werth sont réédités chez Viviane Hamy. 33 jours a été édité en poche en 2002, chez Magnard, pour les collégiens.

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