Le Yoga et l’Ayurveda au secours d’une population



Et si des médecines ancestrales pouvaient réparer les dégâts causés par la société industrielle ? A Bhopal, en Inde, le Yoga et l’Ayurveda soignent avec une étonnante efficacité un peuple meurtri dans son corps et son âme. Une approche inspirante.



C’est un jardin qui vous accueille. Des arbres, des arbustes, des parterres de fleurs, des plantes grimpant sur les murs. Un havre de verdure fourmillant de 90 espèces médicinales, où se niche un petit bâtiment conçu écologiquement…
Difficile d’imaginer qu’à cinq cent mètres de là, eut lieu la pire catastrophe industrielle de l’histoire. Bhopal, 3 décembre 1984 : l’explosion d’une usine américaine de pesticides libère un nuage de gaz hautement toxique. 8 000 habitants meurent dans la nuit, 500 000 tombent malades ou sont handicapés. Le site est abandonné, la population non prise en charge et la zone non dépolluée. Du fait de la contamination des sols, de l’eau et du lait maternel, le mal ne cesse de s’étendre. Aujourd’hui encore, 150 000 personnes souffrent de pathologies chroniques, des bébés naissent infirmes, les gens meurent très jeunes.

Face à l’intolérable, une clinique s‘inscrivant dans une approche holistique et naturelle voit le jour en 1996, au cœur de la zone infectée. Entièrement gratuite pour les victimes, elle est financée uniquement par des dons. Son nom : Sambhavna. « Possibilité », en sanskrit. Ou, lu comme la conjugaison de Sama et Bhavna, « compassion ».
« La population est déjà rongée par les produits chimiques, le but est de ne pas lui en rajouter ! » explique l’écrivain anglais Indra Sinha, impliqué dans le projet. Et face à la complexité de ces difficultés – physiques, psychologiques, sociales –, de privilégier une prise en charge centrée sur l’humain. « Nous essayons de développer une atmosphère chaleureuse, afin que nos visiteurs se sentent en confiance. Nous ne cherchons pas que leur bien-être corporel, nous prenons aussi soin de leur esprit », commente l’un des médecins généralistes de la clinique – qui compte aussi des psychiatres. Car parmi les dégâts causés par la catastrophe, il y a l’anxiété, les troubles du sommeil, les crises de panique, le sentiment d’être laissés pour compte…


Equilibrer les énergies


Premier pilier de ce système : l’Ayurveda. Pratiquée en Inde depuis plus de 3000 ans, cette médecine considère que trois forces vitales cohabitent en chaque individu – comme dans le reste de la Nature. La première est Vata : l’air, l’éther. La deuxième, Pita : le feu. La troisième, Kapha : l’eau, la terre. Leur proportion détermine notre équilibre personnel, physique, mental et émotionnel. Lorsque celui-ci est rompu, par un « poison extérieur », un changement dans l’environnement, une contrariété, une alimentation ou un mode de vie inadaptés, un mal-être surgit. L’apport du thérapeute est alors d’identifier quelle harmonie régit normalement notre être, quelles sont les causes de sa perturbation, et comment la rétablir.
Concrètement ? « Nous utilisons des préparations à base de plantes et de minéraux qui compensent certaines déficiences de l’organisme, restaurent la vitalité et l’immunité, ainsi qu’un processus de détoxification intégrale nommé Panchakarma, qui traite le problème en profondeur et rééquilibre les énergies », indique l’un des praticiens de Sambhavna.
Au programme : bains de vapeur, application de macérât de plantes, massages aux huiles médicinales… Tantôt doux pour poser le mental, reprendre contact avec son enveloppe, soulager les muscles et les articulations, apporter un sentiment de détente, de confort et de sécurité ; tantôt toniques, pour dénouer les tensions, évacuer les toxines, stimuler les points énergétiques, booster le métabolisme.
« Peu à peu, tout lâche : le corps, l’esprit, les émotions… Une paix intérieure s’installe. Comme une force tranquille qui rend plus robuste face aux aléas, fait sauter les blocages psychologiques ou énergétiques, connecte à quelque chose de plus essentiel », témoigne Claire, une jeune française qu’un médecin ayurvédique indien a guérie de son infertilité. « Cette médecine ne fait pas que traiter des symptômes morcelés, elle amène à se recentrer, à comprendre la manière dont on fonctionne, et comment mieux vivre », commente Kiran Vyas, fondateur du centre Tapovan (France).

A Sambhavna, la thérapie passe aussi par l’enseignement du Yoga, technique millénaire d’unification et de coordination du corps et de l’esprit, via la pratique en pleine conscience de mouvements physiques, d’exercices de respiration, de techniques de purification et de méditation.
« Une pratique régulière s’avère particulièrement bénéfique contre les problèmes respiratoires, musculaires, osseux et endocriniens, ainsi que contre les troubles féminins – maux de ventres, règles erratiques, surabondantes ou inexistantes… Elle réduit aussi la dépendance aux médicaments », indique l’une des yoga-thérapeutes de la clinique.
Nettement, durablement. « Plus de 50% des patients qui se sont mis au Yoga ont arrêté les traitements qu’ils prenaient depuis 25 ans. » Au bout de six mois, 50% des femmes retrouvent des cycles menstruels réguliers, 80% des flux normaux. Et 80% voient leurs douleurs abdominales disparaître.
Par quel mystère ? « Prenez la Salutation au Soleil, un enchaînement de mouvements classique : elle améliore la diffusion de souffle vital dans le corps, et équilibre les systèmes nerveux et endocrinien. » Chaque posture, ensuite, a un effet spécifique, sur tel ou tel ligament, tel ou tel tissu, tel ou tel muscle, tel ou tel organe. « Le tonus fonctionnel est régulé, l’équilibre de l’ensemble maintenu. »
Y compris sur le plan psychique. « Les exercices de respiration accroissent l’énergie de manière positive, sereine et maîtrisée », souligne Erling Christiansen, professeur à l’Ecole de yoga et méditation (France). Au-delà, « tout le processus apprend à ne plus réagir automatiquement face à une idée ou une situation. En voyant au travers de nos réactions émotionnelles et de nos pensées, on s'en libère. Par là, le Yoga amène à une conscience d’être. »


Se prendre en main


Aujourd’hui, près de 50 000 personnes sont passées par Sambhavna. Mieux : l’équipe de la clinique leur a appris à prendre leur santé en main, en les formant à la nutrition, en leur donnant des conseils de vie adaptés à leur constitution, en leur apprenant à cultiver leurs propres plantes médicinales et à les utiliser… « Le Yoga ne coûte rien, l’Ayurveda beaucoup moins que l’allopathie, ajoute Indra Sinha. Et ils ne polluent pas ! »
Voilà pourquoi le ministère indien de la Santé s’est doté en 1995 d’un département nommé Ayush, chargé de promouvoir les systèmes de santé traditionnels, en Inde et à l’international. « Leurs apports sont complémentaires à l’allopathie », plaide un de ses membres, favorable par exemple à la création d’unités de médecine holistique dans les hôpitaux classiques, et inversement.
« En combinant techniques modernes, Yoga et Ayurveda, nous avons développé des protocoles naturels contre l’anxiété, la dépression, les allergies, le diabète, l’arthrose, les douleurs de dos… qui sont aussi des pistes pour résoudre les maux des occidentaux », confirme Indra Sinha. « Et le trou de la sécurité sociale ! » sourit Kiran Vyas.
En France, devant l’intérêt suscité par les médecines non-conventionnelles, le Centre d’analyse stratégique (rattaché au Premier ministre) a publié en octobre 2012 une note recommandant leur intégration, via « la nécessaire régulation du savoir-faire des praticiens, de la qualité des formations, de l’authenticité des matières premières », indique Kiran Vyas.
De quoi faire émerger une conscience plus ouverte de soi et de son rapport au monde ? Vingt-huit ans après la catastrophe de Bhopal, Sambhavna prouve qu’un bourgeon de bien-être et d’empathie peut fleurir sur une terre ravagée par le cynisme et le mépris.

Informations et dons en ligne
: www.bhopal.org (Bhopal Medical Appeal)
Cette nuit-là, Indra Sinha
Albin Michel (Novembre 2009 ; 441 pages)

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