Tranches de vie

Strasbourg, quartier de la Gare, en cet fin d'été j'ai une heure d'attente du TGV qui va me ramener dans ma Sarthe natale. Trois jours de séminaire proposés par mon fabriquant de portail alu, dans un hôtel deux étoiles, plutôt classe, situé dans un centre de loisir où tout est prévu pour accompagner les désirs du consommateur argenté. 120 euros la nuit sans le ptit dej, j'aurai dû faire hôtelier plutôt que de vendre des portails !

Je me promène dans les rues de cette ville que je ne connais pas, en ne m'éloignant pas trop de la gare de peur de rater mon train, j'ai pu avoir un billet 1ère classe au prix d'une 2 ème, internet c'est super.

Nous sommes en fin d'après midi, le soleil encore haut réchauffe un peu l'air frais alsacien. La ville est belle, j'entre dans une boulangerie, des tables et des chaises dans le fond de la boutique permettent aux clients de consommer sur place. La vendeuse, une jeunette de 20 ans un peu timide, me sert mon pain aux raisins préféré, et je décide de m'asseoir un peu en retrait. Je me met à l'aise et mon goûter terminé je reste là, à observer les clients qui passent.

Une femme entre, la trentaine,
achète une baguette, paie, puis me regarde et me demande poliment si elle peut utiliser les toilettes. Je réponds gentiment par l'affirmative, et puis je me rends compte qu'avec ma cinquantaine grisonnante elle m'a pris pour le patron en train de surveiller la boutique, la vendeuse elle, n'a pas réagit. Cela m'amuse, je sourie, puis je me plonge à nouveau dans la lecture du dernier Ken Follett.

Dix pages plus loin, entre une petite grand mère, toute rabougrie, le visage maigre creusé par des centaines de rides, comme une colline creusée par mille ruisseaux, de grand yeux bleu, les cheveux frisés hirsutes, gris jaunes, elle porte un gros manteau de laine gris foncé, on se demande si c'est pas le manteau qui la porte...
Sans un mot elle désigne du doigt un pain au chocolat, le regard inquiet. La vendeuse dit "non ce n'est pas possible". Surpris, je comprends que la vieille femme vient mendier.
La vendeuse alors si réservée, bombe le torse et d'une voix forte renouvelle son refus devant le doigt insistant de la grand mère. Sans doute pour se donner du courage la vendeuse parle de plus en plus fort et justifie son refus. A regret la vielle femme ressort doucement, le regard en coté dirigé vers la belle vitrine regorgeant de pâtisseries, elle n'a toujours pas prononcé le moindre mot.

Moi je ne moufte pas, j'observe ce dialogue de sourd entre deux femmes aux statuts si différends...

Et puis merde, je prend conscience que je n'ai rien fait, j'aurai pu le payer son pain au chocolat. 0,95 cts, et puis c'est pas le problème, je ne me suis pas senti concerné, la misère c'est les autres, c'est pas moi, et puis ce genre de situation on y pas vraiment préparé, le réflexe humanitaire n'est pas intégré.
Je me lève et sort pour voir si la grand mère est toujours dans la rue, je peut peut-être rattraper tout cela.
Le trottoir est vide, d'un bout  à l'autre de la rue. Alors je rentre, retourne à ma place et reste assis là, à analyser mon absence de réaction, ma culpabilité naissante...

Puis passe devant la vitrine un manteau gris, je me lève et me précipite dehors, le manteau gris est là, à cinq mètres, mais ce n'est pas le même...

La 1 ère classe du TVG était très bien, Strasbourg est une jolie ville. J'essaierai de visiter plus longtemps la prochaine fois.

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