Mon chemin de Stevenson à cheval

L'histoire :
Le chemin de Stevenson est le nom donné au chemin de grande randonnée no 70 (GR 70), en référence au parcours effectué en compagnie d'une ânesse, à travers les Cévennes, par l'écrivain écossais Robert Louis Stevenson.

En 1878, Stevenson a 28 ans et rêve d'embrasser la carrière d'écrivain. S'il a déjà publié quelques nouvelles et un récit de voyage, ses écrits demeurent assez confidentiels et sont bien loin de toucher le grand public ainsi que le fera son premier succès populaire L'Île au trésor cinq ans plus tard.

Sa vie personnelle est plutôt compliquée : issu d'un milieu aisé, il est financièrement dépendant de son père Thomas, lequel voit d'un assez mauvais œil la vie de bohème que mène son fils, ainsi que ses ambitions littéraires ; côté cœur, en pleine époque victorienne, il fréquente Fanny Osbourne, une femme mariée (mais séparée de son mari) et mère de deux enfants.

Lorsqu'en août 1878, cette dernière repart en Californie, Stevenson sombre dans la déprime. Pour se changer les idées, il part en voyage dans le sud de la France, et finit par s'installer au Monastier, dans une petite pension, où il réside plusieurs semaines, multipliant promenades et petites excursions dans les environs.

C'est à la mi-septembre qu'il conçoit le projet de traverser à pied les Cévennes.


Le 22 septembre 1878, le jeune écrivain écossais part à pied du Monastier sur Gazeille (Haute Loire) avec l’ânesse Modestine. 12 jours, 220 km et beaucoup d’aventures plus tard, il arrive à St Jean du Gard.

Son journal de route est publié en 1879 sous le titre de "Travels with a Donkey in the Cévennes", « Voyages avec un âne dans les Cévennes » a permis de retracer son itinéraire, devenu le Chemin de Stevenson, qui offre aux randonneurs la possibilité de suivre les traces de cet aventurier écossais amoureux de la France.

Depuis quelques années, une association " sur les chemins de R.L. Stevenson " propose l'hébergement des randonneurs sur des étapes le long du chemin balisé et reconstitué, avec la possibilité de louer un âne et de trouver à chaque étape, le gîte et le couvert pour le randonneur et son âne.




C'est au cours de l'été 2005 que profitant d'une randonnée d'une semaine avec des amis de l'ATEF, autour du Puy en Velay, que je décidai avec un bon copain de suivre ce parcours historique, non pas avec un âne mais avec nos deux montures Ivanohé et Cactus, deux trotteurs initiés à la randonnée depuis de nombreuses années.
Nous allions découvrir lors de ce périple des paysages à couper le souffle, une nature intacte, des chemins vieux comme le monde, de longues journées de solitude sans rencontrer âme qui vive, du soleil, du brouillard, des gîtes accueillant, une gastronomie locale épatante, mais aussi du bivouac à la belle étoile, des rencontres inattendues, et une paix de l'esprit tout au long des ces journées où le vent et les cigales soufflent à nos oreilles la poésie des paysages cévennoles.
Le plus rassurant, ce fut la découverte d 'une complicité totale entre deux cavaliers, sensibles à la beauté de mère nature et du bien être de leur monture.




C’est par une belle journée que pour partîmes sur la piste de Stevenson le cœur léger, impatients de connaître ce qui nous attendait au détour des chemins.


En autonomie totale, notre équipage fut allégé au maximum, pour un meilleur confort du cheval, car nous souhaitions trottiner de temps à autre, voir s’autoriser quelques galops, afin de pas trop faire durer les longues journées de marches itinérantes à ce type de randonnée.



Donc, un sac de couchage, un sac poubelle de 100 litres pour s’isoler du sol et de la pluie, couvrir le matériel la nuit, du linge de rechange au minimum, lessive à prévoir tous 2 jours, un petit réchaud, une popote, une gourde,un couteau, une sagaie pour débroussailler ,une clôture électrique sur pile, du fil embobiné autour d’un bout de tuyau, de la ficelle de lieuse en plastique pour servir d’isolateur, 2 ferrures de rechanges 1 devant et 1 derrière, des clous, un marteau, une pince à ferrer, des tricoises, une poche pour abreuver les chevaux, des lacets en cuirs, une lampe de poche, savon et serviette, enfin la boussole, et un portable qui par bonheur, n’avait jamais de réception.

Le tout sur la selle, une Mac Lellan en ce qui me concerne, avec 2 sacoches, un boudin, et 2 fontes à l’avant. Pour le ravitaillement en nourriture, nous avions un jambon fumé entier, qui prit la moitié d’une sacoche, des carottes à grignoter, du chocolat et du pain. Pour le reste nous comptions sur les villages traversés pour nous ravitailler.


Le picotin des chevaux ne posa aucun problème, en effet je renouvelai une organisation que j’utilise depuis des années et qui a fait ses preuves, nourriture équilibrée, abondante et disponible sans encombrement, afin que nos montures puissent être au top de leurs possibilités.

 

Le Mont Lozère

Voici ma méthode :
Avant de partir je prévois du floconné très riche, style compétition, je pèse des parts en fonction du cheval et de son poids, 3 repas individuels que je mets dans 3 petits sacs poubelle bien fermés, lesquels dans un autre sac pour faire des rations journalières. Ces sacs sont déposés lors d’un parcours en voiture les jours qui précèdent le départ (c’est la seule contrainte), cachés un peu partout dans la nature peu avant les étapes de nuit, supposées du parcours.
J’ai toujours retrouvé mes sacs, en effet ils étaient en général planqués sur les bords des chemins souvent dans des endroits peu accessibles, ronces, orties, bâtiments à l’abandon, et s’ils eussent été visibles à certaines personnes, des petits sacs poubelles fermés n’attirent jamais la convoitise. Même les rats ne s’y sont pas intéressés car hermétiques ils ne dégagent aucune odeur alléchante. Ainsi nous avions toujours un picotin d’excellente qualité le soir, et nous repartions le lendemain matin avec la dernière ration qui sera donnée à la pause en début d’après-midi. S’il nous fallait transporter les 3 rations le soir ce n’était que sur quelques kilomètres au plus, avant d’arriver à notre point de chute pour la nuit prévue ou non.
Le parcours peu balisé ne posa aucun problème avec le descriptif étape par étape avec carte IGN du bouquin GR 70 que nous avions avec nous. J’avais pris aussi la liste des gîtes d’étape, mais nous nous étions promis de ne rien prévoir à l’avance, seulement le soir un petit coup de fil ici ou là pour l’étape du lendemain nous permettait de savoir où nous allions dormir, et si rien n’était disponible, ce serai le ciel étoilé qui nous servi de lampe de chevet.
Pont de Montvert
En fait la vrai difficulté fut de trouver une pâture avec un peu d’herbe pour Ivanohé et Cactus, heureusement que nos rations ont pu jouer leur rôle, les chevaux sont arrivés en pleine forme à ST Jean du Gard.
Raconter en détail ce parcours étape par étape mériterai d’être fait, ce serait un peu long sur un blog dont ce n’ait pas forcément l’objet, je vous invite donc à laisser courir votre imagination, mieux à vivre la même chose, partez à pieds avec ou sans un âne, en VTT, ou à cheval si vous êtes un cavalier chevronné à la rando itinérante. Attention au choix du cheval, il y a des passages très pentus, très étroits, voir dangereux où normalement seul un âne peut passer.
L’avantage de la Stevenson c’est que vous pouvez trouver un lit et un repas tous les soirs si vous le souhaitez, avancez à votre rythme avec vos enfants aussi. C’est un vrai dépaysement une communion avec la nature, loin des bruits et des contraintes du quotidien.



Parmi les nombreuses images qui me restent en mémoire, ce sont celles des antiques sentiers dans la montagne cévenole.
Après Pont de Monvert, charmant village dans un creux de vallée qui fait suite à l’ascension du Mont Lozère, la veille, nous partons de bon matin dans la brume matinale, le village déjà en dessous se réveille doucement et nous progressons au pas, le sentier grimpe dur, il est empierré avec des blocs lisses, nombreux, en escalier, sur le coté un caniveau de pierres accolées guide les eaux de pluie vers la vallée. Plus personne n’entretiens ces ouvrages qui pourtant jouent leur rôle depuis des siècles et font que ce chemin existe toujours, mais pour combien de temps encore. Par endroit une pierre manque, laisse passer l’eau qui dégrade immédiatement l’empierrement du sentier, les dalles se désolidarisent entre elles, et glissent inévitablement vers le bas. Personne ne viendra la remettre hélas, et ce travail colossal et ancestral sera perdu à jamais.

Plus haut dans la montagne certain sentiers ont été creusés dans le roc, reste encore un caniveau taillé sur toute la longueur de la roche, un oeil attentif y descelle les traces des roues de chariots qui ont creusées deux rainures parallèles. Que de travail, nulle trace d’outil persiste, la roche a été taillée sur le coté sur deux mètres de hauteur, le sol est lisse et plat afin que les roues du chariot ne rencontrent aucun obstacle et ceci dans des coins perdus en altitude là où nous n’aurions jamais pensé qu’un attelage puisse progresser, sans doute tiré par des bœufs ou des mules.

Quel age à cet ouvrage, combien de siècles sont passés, que d’histoires pourrait il nous raconter, quels sont les hommes qui nous ont précédés, des paysans, des bergers, des compagnons à pied dans leur tour de France, des marchands et leur équipages car une telle voie devait être importante à l’époque, des guerriers, des armées aussi…romaines peut-être.

Nous retrouverons beaucoup plus loin des gués sur des rivières où reste des vestiges d’empierrement très important et très larges, les ruines témoignent d’une activité intense, la largeur des voies d’accès au gué démontre l’importance du trafic de l’époque, sans doute un droit de péage était-il demandé, une auberge devait accueillir les voyageurs, il ne reste pratiquement plus rien.
Tout au long du pacours nous pouvons constater un changement de climat et de végétation, verte et humide sous le Puy en Velay et dans le Gévaudan, après le Mont Lozère point culminant de la région l’orientation au sud assèche, un climat plus chaud une végétation de type méditerranéenne apparaissent, qui s’accentue jusqu'à St Jean du Gard.

Nous y verrons des criquets, gros insecte de plus de 10 cms de longs avec des ailes colorées, assez jolies, aux reflets orange et bleu, venus d’Afrique conquérir l’Europe, témoignages saisissant du réchauffement climatique.

Les Cévennes nous révèlent, des brides de son histoire dans le silence des forêts, accompagnées du clapotis des petites rivières qui serpentent au creux de vallées étroites, et des chemins perdus qu’un écossais déprimé vint découvrir au 19 ème siècle, pour notre plus grande joie d’aujourd’hui.







Commentaires

Merci pour ce récit, en tant que Modestine l'ânesse des Cévennes, je ne pouvait passer à côté. Pour vos lecteurs qui souhaitent passer leurs vacances en Cévennes, je leur conseille vivement cette magnifique région !

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