Dépression à l’approche de Noël
Chaque année, à l’approche de Noël, fleurissent les articles
expliquant que Noël n’est pas une fête joyeuse pour tout le monde, qu’un tiers
des gens redoutent Noël, dépriment à Noël, etc.
Le phénomène a récemment reçu, suprême reconnaissance, une
étiquette médicale : si vous êtes concerné, c’est que vous êtes frappé de
SDSAN, le Syndrome de Dépression Saisonnière à l’Approche de Noël ! Et il
existe tout un tas de psys qui sont prêts à vous recevoir pour cela, moyennant
finance bien entendu, ainsi qu’une gamme complète d’antidépresseurs remboursés
par la Sécu.
Mais la « dépression saisonnière », qui touche 10 % de la
population, a en réalité une cause précise : elle est provoquée par le manque
de lumière et par le manque d’exposition de la peau au soleil, qui entraîne une
baisse du taux de vitamine D dans le sang [1].
Lorsque le soleil est intense, en été, ses rayons pénètrent
par votre rétine. Ils envoient un signal à votre cerveau lui commandant de
stopper la production de mélatonine, une des hormones qui détermine les cycles
du sommeil. Mais lorsque l’hiver arrive, ce signal devient trop faible et la
production de mélatonine reste élevée, même en journée. C’est ce qui explique
que l’on puisse ressentir plus facilement de la fatigue, de la léthargie et de
la déprime en hiver.
La solution est assez évidente : contre le déficit de
vitamine D, il faut prendre un complément de vitamine D durant tout l’hiver,
après un dosage sanguin pour vérifier l’existence d’un déficit. Pour rappel, le
taux sérique optimal à viser est de 45 à 70 ng/mL.
Contre le manque de lumière dans la rétine, on pratiquera la
luminothérapie, qui est un traitement scientifiquement reconnu et approuvé
comme étant le traitement de choix pour traiter la dépression saisonnière [2].
La luminothérapie consiste à s’exposer de façon quotidienne
à une source artificielle de lumière reproduisant la lumière naturelle, à une
intensité supérieure à 2 000 lux, au niveau des yeux, pendant 30 minutes, à une
distance d’environ 50 cm. Ce traitement se pratique dès le début des symptômes,
vers septembre ou octobre, et jusqu’au printemps.
Cela dit, il ne faut pas se voiler la face, la dépression
saisonnière à la fin de l’année peut être fortement accrue par la solitude ou
les mauvaises relations avec l’entourage, qui rendent peu réjouissantes les
fêtes de Noël.
Les 5 réseaux de sociabilité
Selon Camillo Zacchia, chef professionnel en psychologie de
l’Institut universitaire en santé mentale Douglas, au Canada, c’est aussi parce
que la période de Noël rappelle l’état de solitude dans lequel on vit, sans
famille, sans amis, qu’elle peut être si désagréable à traverser.
Alors, pour éviter de se retrouver dans cette pénible
situation, voici une réflexion à mener régulièrement.
Il existe cinq réseaux de sociabilité, c’est-à-dire cinq
moyens par lesquels on fréquente d’autres personnes :
la famille
les amis
l’activité professionnelle (ou universitaire ou scolaire
pour les jeunes)
les loisirs (clubs sportifs, culturels, associations,
voyages, paroisse…)
les voisins.
Selon une étude réalisée par la Fondation de France en juin
2013, 39 % des Français n’ont aucun lien suivi avec leur famille, 37 % n’ont
aucun lien avec leurs voisins, 25 % n’ont aucun ami [3]. De plus, 53 % des
Français n’ont pas d’activité professionnelle (retraite, formation, chômage,
inactivité) et donc pas de collègues de travail.
Pas moins de 5 millions de gens n’ont aucune de ces cinq
catégories de personnes dans leur entourage. Elles n’ont ni amis, ni famille,
ni collègues, ne connaissent pas leurs voisins, et ne fréquentent personne via
leurs loisirs ! Autrement dit, elles sont seules, seules, seules.
Or, ce phénomène connaît une dramatique augmentation depuis
3 ans : le nombre de personnes de moins de 40 ans frappées de totale solitude a
doublé depuis 2010. Le nombre de personnes de plus de 75 ans touchées par
l’isolement a augmenté de 50 % depuis 2010 !
Comment s’étonner que se multiplient les cas où des
personnes âgées sont maltraitées dans des instituts pendant des années sans que
personne ne s’en aperçoive, ou que des cadavres soient découverts des mois ou
des années après la mort, dans des appartements où personne ne s’était aperçu
qu’il n’y avait plus de vie ?
Nous assistons à une véritable implosion sociale, porteuse
d’infinies souffrances pour les victimes car la solitude absolue est une des
plus terribles choses qui puisse arriver à un être humain.
« L’homme est un animal social » disait déjà le philosophe
Aristote au Ve siècle avant Jésus-Christ. « Il n’est pas bon que l’Homme soit
seul » est-il écrit dans le Livre de la Genèse, qui date de 750 avant
Jésus-Christ.
Et malheureusement, comme d’habitude, il n’y a aucune
recette miracle, aucune solution simple et rapide à proposer. La seule issue
est la méthode des petits pas. Chacun à notre niveau, nous pouvons essayer
d’améliorer la situation là où c’est possible, c’est-à-dire dans notre
entourage et dans notre propre vie, en étant attentif, en étant prévoyant, en
évitant de se laisser piéger par la solitude.
La méthode des petits pas
Je ne vais évidemment pas tout reprendre à zéro sur les
moyens de bâtir une famille unie, d’avoir un grand et solide réseau d’amis, un
environnement professionnel chaleureux, d’excellentes relations avec ses
voisins et de multiples activités sportives, culturelles et associatives
donnant l’occasion de nombreuses et riches rencontres. Et de toute façon, il ne
faut pas rêver, la situation ne peut jamais être parfaite.
Mais voici tout de même quelques généralités, quelques
évidences.
Chaque réseau social peut, à lui seul, vous donner
l’illusion d’être très bien entouré. Ainsi Evelyne peut être tellement investie
dans sa carrière professionnelle qu’elle ne s’aperçoit pas, ou ne souffre pas,
de n’avoir ni famille, ni amis, ni voisins, etc. Jean et Pierrette peuvent être
tellement unis, et se combler si fort mutuellement, qu’ils ne s’aperçoivent pas
qu’ils n’ont que très peu de vrais amis, de bon collègues, de bons voisins…
Alain a une bande d’amis si formidables qu’il en oublie qu’il n’a pas de
famille, pas de collègues, pas de voisins…
Et dans tous ces cas, je dis : attention, danger ! Il suffirait
qu’Evelyne se retrouve incluse dans un « plan social », que Pierrette décède
brutalement, qu’Alain soit obligé de déménager pour que chacun, ayant perdu son
seul et unique réseau ou lien social, se retrouve dans la plus complète
solitude.
A chaque étape de l’existence, nous devons veiller à ce que
notre vie reste la plus équilibrée possible sur le plan social, et nous
préoccuper des cinq réseaux. Ce n’est pas parce que nous sommes très heureux en
couple, que nous avons beaucoup d’amis et un « super job » qu’il faut pour
autant négliger nos voisins, et n’avoir aucune activité sociale, sportive,
culturelle ou associative. Au contraire, il faut profiter d’être bien entouré,
et du sentiment d’assurance que cela procure, pour se tourner davantage vers les
autres, aller vers les inconnus, faire de nouvelles rencontres. Car nul ne
connaît l’avenir et nul ne sait si, un jour, vous ne serez pas bien soulagé de
pouvoir compter sur vos voisins lorsque, à la suite de circonstances
malencontreuses, vous aurez perdu tout ou partie de vos autres réseaux.
La démarche est d’autant plus facile qu’il existe un cercle
vertueux de l’amitié : ainsi, une personne très heureuse dans son couple aura
plus de facilité à se montrer avenante dans la vie et à se faire des amis, à rencontrer
ses voisins, à s’inscrire dans des activités pour élargir son réseau social, et
même à trouver un métier épanouissant, avec un entourage professionnel sain.
A l’inverse, une personne qui est totalement isolée, qui n’a
plus aucun point de contact avec le monde, connaîtra de grandes difficultés à
tout reconstruire. Trouver d’emblée un conjoint qui aura envie de partager son
existence sera plus difficile. C’est pourquoi il ne faut pas se montrer trop
exigeant, tout de suite. Si l’on est très isolé et qu’on aimerait avoir un
compagnon dans la vie, mieux vaut ne pas chercher directement un conjoint, mais
commencer par favoriser les situations sociales permettant de simples contacts
avec de simples « gens ». A travers les activités, au fil des rencontres, des
liens se tisseront, dont certains deviendront des amitiés et, qui sait, on
trouvera peut-être l’âme sœur.
La loi de la réciprocité
Pour autant, les cinq réseaux ne sont pas tout à fait égaux
et il est évident qu’il vaut mieux avoir une famille avec laquelle on s’entend
bien, et de bons amis plutôt que de n’avoir de bonnes relations qu’avec ses
collègues ou ses voisins.
« L’amitié est la denrée la plus précieuse au monde », dit
le Sage, et l’impossible doit être fait pour maintenir l’unité familiale. Ce
qui suppose de s’efforcer de suivre certaines règles : difficile d’exiger d’un
conjoint esprit de service, écoute, patience, compréhension, pardon, si l’on ne
lui rend soi-même jamais service, si on ne l’écoute pas, si l’on est impatient
avec lui, si on ne cherche pas à le comprendre et si on ne lui pardonne rien !
Difficile, pour des enfants, de rester aimants, respectueux
et présents auprès de leurs parents si ces parents, réciproquement, ne leur
témoignent pas d’amour, de respect, et qu’ils sont généralement absents
lorsqu’on a besoin d’eux.
Vous l’avez compris, mon maître mot dans les relations
humaines est la réciprocité, traduite par cette parole de sagesse éternelle : «
Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent » et, son
corollaire, « Fais aux autres ce que tu aimerais qu’ils te fassent ».
Sans réciprocité, il devient surhumain, héroïque d’arriver à
tenir ses engagements de fidélité vis-à-vis de ses amis et de sa famille.
Noël 2020
Si vous êtes aujourd’hui isolé et que vous commencez
maintenant ce travail de petits pas, il est sans doute trop tard pour que Noël
2013 soit le plus formidable et chaleureux des Noëls, au sein d’une famille
unie, avec de nombreux et bons amis, autour d’une table bien garnie et sous un
magnifique sapin.
En revanche, Noël 2014, 2015 et les suivants, pourront être
de plus en plus beaux, jusqu’à ce que la « dépression saisonnière à l’approche
de Noël » disparaisse complètement, et fasse place à une saine et profonde
réjouissance.
Et je compte sur vous pour ne pas oublier de m’inviter à la
fête à tout casser que vous ferez pour Noël 2020 !
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
Sources :
[1] Voir le dossier à ce sujet de lanutrition.fr
[2] Golden RN, Gaynes BN, Ekstrom RD et al. « The efficacy
of light therapy in the treatment of mood disorders: a review and meta-analysis
of the evidence » Am J Psychiatry 2005;162:656-62.
[3] La Fondation de France agit contre les solitudes
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